Philippe Schmitt est aujourd’hui un homme en colère. Il était prêt, mercredi, à assister aux derniers instants tragiques de sa fille, assassinée dans le RER D. La justice a dit non.«L’attitude du juge d’instruction à mon égard a été lamentable. » A la douleur plus que légitime d’un homme qui a perdu sa fille dans des circonstances atroces, le père d’Anne-Lorraine Schmitt peut aujourd’hui y ajouter la colère. Il a en effet été volontairement écarté de la reconstitution du meurtre de sa fille, qui s’est tenue mercredi matin en gare de Pontoise (Val-d’Oise).
La jeune femme âgée de 23 ans, étudiante en journalisme, avait été sauvagement tuée le 25 novembre 2007 de plusieurs coups de couteau alors qu’elle voyageait dans le RER D pour rejoindre sa famille à Orry-la-Ville. Son corps mutilé avait été retrouvé dans une rame, une fois le train stoppé au terminus en gare de Creil. Mais le meurtre s’était déroulé entre les gares de Louvres et de Fosses.
« Les victimes n’ont aucun droit ! »
Mercredi, à l’aube, les abords de la gare de Pontoise ont donc été bouclés par les gendarmes et les policiers pour permettre aux enquêteurs de travailler. Si le meurtre ne s’est pas déroulé à cet endroit précis, le magistrat instructeur a souhaité travailler à Pontoise. « L’ensemble des faits se sont passés dans la rame, l’intérêt était donc d’avoir un train. L’endroit de la reconstitution importait peu », précise-t-on au parquet de Pontoise.
Le long du quai, sous la passerelle, une rame de RER D à double étage était spécialement stationnée. A l’intérieur, un mannequin représentait le corps d’Anne-Lorraine. Dans le train, on pouvait apercevoir la silhouette de Thierry Dève-Oglou, le meurtrier présumé âgé de 43 ans, revêtu d’un gilet pare-balles. Pendant de longues minutes, l’homme a reproduit les gestes qui ont conduit au drame ce dimanche matin-là. Anne-Lorraine a reçu de nombreux coups de couteau, dont un mortel en plein coeur. Philippe Schmitt aurait voulu pouvoir être présent : « Je m’y étais psychologiquement préparé depuis longtemps, confesse-t-il, mais, malgré deux demandes formulées par mon avocat auprès du juge d’instruction, j’ai été à chaque fois traité avec le profond dédain pour les victimes qui caractérise la procédure pénale française. Nous n’avons aucun droit, sauf celui de nous taire, et aujourd’hui, cela, je le dénonce. »
Lorsque l’on demande à Philippe Schmitt s’il comprend que sa présence aurait peut-être pu gêner, il n’élude pas la question. « Bien sûr que ma présence aurait pu être gênante, mais le juge d’instruction aurait pu m’appeler, conclure un accord avec moi du genre : A la moindre parole de votre part, je vous fais évacuer , je l’aurais compris et je serais resté en retrait. Mais cette dame ne m’a jamais contacté… Elle ne sait probablement pas se servir d’un téléphone. »
Après, poursuit-il, « tout ce que je souhaitais, c’est assister aux sept minutes d’horreur vécues par ma fille et auxquelles je n’ai jamais osé penser. J’étais prêt à voir cela en face, j’étais prêt à voir l’individu qui a tué ma fille ».
Source : Le Parisien